samedi 30 mars 2013

Une semaine dans une autre ville, Journal parisien & autres textes de João César Monteiro

    En 1999, João César Monteiro projetait de porter à l'écran La philosophie dans le boudoir du marquis de Sade, projet qu'il ne mènera malheureusement jamais à terme, mais qui néanmoins ne resta pas « lettre morte » : en novembre de cette même année, son livre Uma semana noutra cidade, Diário Parisiense est publié par son ami et éditeur Vítor Silva Tavares qui dirige les éditions & etc, à Lisbonne, et qui publia les précédents livres de Monteiro.
   C'est ce livre qui paraît aujourd'hui, initialement conçu par Monteiro et sous le même titre, en français, Une semaine dans une autre ville, Journal parisien, auquel les éditions La Barque ont ajouté d'autres textes : quelques critiques cinématographiques du cinéaste; une sorte d' « autobiographie » par Monteiro lui-même; un entretien réalisé en 1992; deux textes d'hommage, l'un par Vítor Silva Tavares et l'autre par celle qui fut la compagne de Monteiro, la réalisatrice Margarida Gil, ainsi qu'une postface de l'éditeur Olivier Gallon.
   La traduction française de ce livre reprend l'ensemble des textes et dans le même ordre, tel que l'avait voulu Monteiro et publié initialement en 1999 à Lisbonne, c'est-à-dire :

  • JOURNAL PARISIEN, tenu lors de son séjour à Paris en août 1999.
  • JOURNAL INTIME DE JEAN DE DIEU, journal du personnage interprété par l'auteur dans sa trilogie Souvenirs de la maison jaune, La Comédie de Dieu et Les Noces de Dieu.
  • LETTRES À BELISA, 1970.
  • un ensemble de textes regroupés sous le titre « SADE À LA GRÂCE DE DIEU » comprenant La Philosophie dans le boudoir - Note d'intention, sur le scénario, les costumes, les personnages, l'éclairage, le son..., ainsi qu’une correspondance où apparaissent les raisons pour lesquelles ce projet n'avait pu aboutir : un Rapport confidentiel envoyé au producteur Paulo Branco, une Lettre à Max Schoendorff, en charge des décors et des costumes, ainsi que la Lettre d'une inconnue dans laquelle Monteiro revient sur le projet du film et plus largement sur son rapport au cinéma.

jeudi 28 mars 2013

Jaime, l'inespéré du cinéma portugais, Cinéfilo, 20 avril 1974

« Je parle d'António Reis et du jour où je l'ai connu, et qui a coïncidé, par un hasard professionnel, avec la première fois où j'ai vu Jaime, à mon avis l'un des plus beaux films de l'histoire du cinéma, ou si vous préférez : une étape décisive et originale du cinéma moderne, un point de passage obligatoire pour tous ceux qui, dans ce pays ou dans un autre, voudraient poursuivre la pratique d'un certain cinéma, celui qui ne tolère et ne reconnaît que sa propre intransigeance austère et radicale.
Dans ce sens, je crois qu'au moment où les dés du cinéma portugais sont en train d'être jetés, si tant est qu'ils ne le soient pas déjà, le surgissement d'António Reis peut être fondamental, aussi fondamental que la greffe d'un nouveau cœur chez un malade agonisant. »

JOÃO CÉSAR MONTEIRO, Jaime, l'inespéré du cinéma portugais (Cinéfilo n°29 du 20 avril 1974)
in Une semaine dans une autre ville, Journal parisien & autres textes, La Barque, 2012.

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António Reis est considéré dans son pays natal, le Portugal, comme un artiste visionnaire dont les films et les nombreuses années passées à enseigner le cinéma à l'Escola Superior de Cinema e de teatro de Lisbonne (où il eu entre autres pour élèves Pedro Costa et Manuela Viegas) ont exercé une influence incommensurable sur la renaissance du cinéma portugais post-Salazar et sur la nouvelle génération de cinéastes qui a émergé dans les années 1980 et 1990. Né à Porto, Reis trouvera d'abord la reconnaissance en tant que poète avant de rencontrer Manoel de Oliveira qui en fera son assistant réalisateur sur son premier chef-d'œuvre, Le Sacre du printemps (1963) aux côtés d'un autre collaborateur important, Paulo Rocha. Cette nouvelle approche poétique propre à ce cinéma ethnographique que définiront ensemble Oliveira et Reis guidera les quatre œuvres extraordinaires qui suivront et que Reis co-dirigera avec sa femme, la psychologue Margarida Cordeiro, aboutissant au point culminant de Trás-os-Montes, une quête lyrique de l' «âme» profonde de la culture et de l'histoire portugaise à travers les mythes et le folklore paysan de cette région reculée du nord du Portugal. Admirés par des cinéastes comme Joris Ivens, Jean Rouch et Jean-Marie Straub, les films de Reis et de Cordeiro ont inventé un langage cinématographique, poétiquement libéré et hypnotique, un style et une sensibilité qui ont établi durablement la tradition du cinéma radical du Portugal.

mercredi 27 mars 2013

Une société sans classe(s)

 
« Ne me berçant plus de la douce illusion d'une société sans classes, j'ai consenti et accepté de vivre dans une société sans classe. »
JOÃO CÉSAR MONTEIRO, Une semaine dans une autre ville, Journal parisien & autres textes, La Barque, 2013.

mardi 26 mars 2013

Entretien avec João César Monteiro, 26 juillet 1997, Diário de Noticias

[…]
Qu'est-ce que vous aimez faire ? 
— Rien. Vraiment.

Quel serait votre journée idéale ? 
— [Hésitations] Je ne sais pas s'il y a des journées idéales. Je suis sensible aux bruits, à la lumière, aux personnes, mais je ne suis pas anthropocentrique. Je suis de plus en plus sceptique quant aux êtres humains.

Vous êtes désenchanté? 
— Je n'aime jamais être très affirmatif... Disons que je suis peu enchanté. Me dégoûte cette société de laquelle je tente de m'exclure dans la mesure du possible. Mais il y a un prix à payer, ce n'est pas très agréable. Je n'ai pas autour de moi les personnes que je voudrais.
[…] 
— [...], montrez-vous vos sentiments, par exemple par une sensibilité extrême ou du trouble ? 
— Parfois je suis comme pétrifié, mais il m'arrive encore d'être ému.

Vous rappelez-vous de la dernière fois où vous avez pleuré? 
Je me rappelle avoir pleuré après avoir été agressé par trois ou quatre policiers. J'ai pleuré de rage et d'humiliation. Ce fut, du reste, une histoire absurde. Je venais de rencontrer un type qui est député du parti socialiste, un gars de Porto par ailleurs, et je suis entré avec lui dans le palais de São Bento, l'Assemblée Nationale, tout en discutant ; ensuite, il m'a laissé dans un couloir et j'ai traîné là tout seul jusqu'à ce que, d'un coup, trois ou quatre policiers me tombent dessus. 

 Et ils vous ont agressé alors que vous n'aviez rien fait ? 
Absolument rien. 

Vous êtes sérieux ? 
Je suis sérieux. Je les ai traité de « fils de pute », une expression que j'utilise souvent. J'ai un goût immodéré pour l'expression « fils de pute ». Il y a un truc qui me trotte dans la tête depuis des années. Mon rêve serait d'être jugé et au moment venu où le juge dirait « Accusé, levez-vous ! », ma réponse serait « À toi de te lever, fils de pute ! » Mais comme c'est une plaie de se rendre au tribunal, j'ai l'intention de la mettre dans un film*. 

Serait-ce une excellente chose de vivre en anarchie ?
— Ce serait bien pour tout le monde. L'anarchie est une chose très ordonnée. 
 
Quelle est votre société idéale? 
— Je suis pour une transformation radicale de la société, par des moyens violents. S'ils peuvent être pacifiques, tant mieux, mais on sait que ça ne se passe jamais comme ça. Il y aura une nouvelle révolution, mais pas à la manière des révolutions ratées.
[…]

Anabela Mota Ribeiro, Entretien avec João César Monteiro 
Diário de Noticias, Supplément DNa , Lisbonne, 26 juillet 1997. 
Traduction : Pierre Delgado
 
« Vous croyez à la démocratie? »
Que ferais-je de cette épée? film de João César Monteiro, 1975


« Prolétaires de tous les pays, UNISSEZ-VOUS! »
Que ferais-je de cette épée? film de João César Monteiro, 1975


* C'est ce que fera Monteiro avec cette scène des Noces de Dieu (1999):
Accusé, levez-vous !
À toi de te lever, fils de pute. Je suis innocent, malheureusement.
Silence ! Silence ! ou j'ordonne qu'on évacue la salle...